jeudi, septembre 29, 2005

Delphine Quéginer répond à Ouest-France et évoque la personnalité de Trotsky pour justifier son acte!

D. Quéginer écoutant de la musique hawaienne sur un pick-up offert par P. Fiala

Je vous écris ces lignes d'un lieu tenu secret, sous la protection armée d'une dizaine de camarades des sections d'assaut balbyniennes dépêchées d'urgence par Pierre Fiala dit "le bordure biggaré". On me recherche mais surtout, on me reproche d'avoir donné une interview à RTL dans laquelle je révèle que la chair du crétin que j'ai dévoré manquait de saveur. Bien évidemment, la viande de scout de France, malgré un label trompeur, ça n'est pas du tendron de veau élevé sous la mère. En tout cas pas sous une mère prodigue et nourricière, il n'y a qu'à voir les torses maladifs des immaculées conceptrices, suspendus comme épitaphes de tous les plaisirs terrestres au-dessus des absides dans lesquelles s'agenouille la jeunesse bleu marine élevée à l'eau fétide des bénitiers. Il faut, si l'on est un tant soit peu sensible à l'histoire de l'art, se rendre à cette évidence que la plastique subjuguante, par exemple, de Carole Landis - chantée en son temps par l'immense Stéphane Just- n'a jamais inspiré les artistes chrétiens.

Adoncques il n'y a pas de bonne viande calotine. Et la vouloir consommer plus tendre ne changera rien sur le plan du goût. Elle sera juste un peu plus tendre.

Mais je ne suis pas la première, loin s'en faut, à avoir dévoré un con à la moelle livide. Je veux vous raconter une histoire que je tiens d'un oncle pharmacien, Yves Quéginer, vieux compagnon de route de Trotsky et qui représentait le prolétariat glazik au sein de la quatrième internationale - je vous renvoie, à ce titre à l'excellent ouvrage qu'il a rédigé sur notre famille peu commune et son parcours politique auprès des révolutionnaires bolchéviks, "Tribulations de la famille des Q. "

Léon Trotsky, un petit matin rayonnant de 1925 a fait la même chose que moi, pour des raisons un peu différentes, mais bon... Tout le monde sait que Lev Davidovitch Bronstein partageait avec le grand Lénine la passion de la natation en eaux dormantes, situation éminemment politique puisqu'elle préfigurait le travail de fraction - appelé souvent et abusivement "entrisme" - mené dans les partis de la bourgeoisie par des dizaines de milliers de militants ouvriers.

Lev donc, prenait les eaux fraîches du lac Komaretsaya dans l'ombre bleue des contreforts de l'Oural, sentant les effluves des premières colchiques se lever avec le jour. La solitude de Trotsky était alors totale et il avait la pleine conscience d'en jouir seul, unique animal à deux pattes immergé dans les courants mordants.

Ce sentiment souverain ne devait pas durer. Un jeune pionnier menchévik surgit sur la rive ouest du fleuve, se débarrassa de son uniforme et, ne gardant que sa large casquette bouffante, plongea dans l'onde comme l'âne parfois trébuche sur le chemin de halage avant de tomber dans l'eau, brisant l'apollinienne unité d'un moment parfaitement poétique et, s'il faut avoir lu A. Breton et B. Perret, historique. Traversant maladroitement le cours d'eau pour rejoindre Trostsky dont-il avait reconnu le visage extrêmement déterminé, l'imprudent se retrouva vite face à lui, bredouillant quelques mots en l'honneur du socialisme, puis, confondant la trempette estivale avec le bain lustral prolétarien qui, chaque matin, doit consacrer la parousie d'une nouvelle humanité ayant accompli la tache historique qui lui est dévolue, laissa échapper les mots suivants : "Les épiciers et les notaires aussi ont leur place dans l'Etat socialiste". Ce disant, le pionnier devait signer son arrêt de mort. Trostsky, soudain plus froid encore que l'eau sommeillant au fond du lac, là où ses pieds soigneusement manucurés dansaient, devenus familiers des algues muettes et tendres, une rumba tranquille depuis une demi-heure, se jeta comme un tigre de feu sur son interlocuteur et le dévora sans pleurs ni haine, ni même en riant comme d'autres l'auraient fait, pensant avec une grande intensité aux premiers vers du sublime Hétontimorouménos de Charles Baudelaire:" Je te frapperai sans colère et sans haine, comme Moise le rocher[Aie!]et je ferai de ta paupière, pour abreuver mon Sahara, jaillir les eaux de la souffrance.."

Et soudain le matin clair devint plus noir que la nuit et le les bouillons pourpres qui faisaient valser les illusions perdues du menchévik, comme tourne le jus d'une mauvaise vaisselle dans le fond d'un évier, disparurent sous le regard impassible de Bronstein dont les flancs, régulièrement soulevés par sa puissante respiration, s'étaient couverts d'une délicate chair de poule, indubitablement supérieure en goût a ce que les meilleurs tables parisiennes s'échinaient à servir à de clients épuisés par de mauvaises digestions, à quelques centaines de milliers de verstes de la CCCP, dans la capitale du cancan et des crêpes Suzette. Là-bas, au dessus des vieilles montagnes russes, les rondes courbes semblèrent s'embraser quand la lumière du soleil réapparut, encore plus ardente.

Mon combat, le combat des Vierges Rouges glazik est le même que celui de Trostsky en son temps. je suis révolutionnaire et prête à dévorer une autre personne issue de la bourgeoisie. Je me contre-fous du goût qu'aura son corps, là n'est pas la question. Je le répète, je ne prends pas cela pour du tendron de veau! Si on m'en laissait le choix, je passerai mon temps à siroter du lait de mite avec mes amis balbyniens et à manger, nonchalante, des cuisses de mouches géantes du Tanganika à la croque au sel ou, comme on sait le faire à la crêperie de Langolen, roulées dans des galettes et généreusement arrosées de lait ribaud.

Voila, je voulais seulement préciser le sens de mon acte et vous faire comprendre que celui-ci est lié à la tradition mais s'inscrit aussi dans une perspective de lutte révolutionnaire de conquête du pouvoir par le prolétariat.

mercredi, septembre 28, 2005

Delphine Quéginer dévore un scout de France face à l’église de Roscoff !

L'église de Roscoff face à laquelle le terible événement a eu lieu

Cet article incroyable, suivi d'un entretien, a été publié dans l'édition d'Ouest-France du 25 septembre.
"C’est à une scène abominable que plusieurs centaines de scouts de France venus assister à une procession traditionnelle à l’église de Roscoff ( Finistère) ont été confrontés quand l’un d’entre eux, Ghislain de Cressy-Vallandrey, a été violemment pris à partie par une jeune militante du Breiz-Atao Réunifié. Delphine Quéginer, vêtue du corsage flamboyant des Vierges Rouges glazik de Landudal se serait jetée armée d’un long couteau, au son des treujenn-gaol, sur le scout fleurdelisé, le poignardant à plusieurs reprises puis entreprenant de le dépecer avec une habileté peu commune. Après l’avoir démembré et mordu à pleines dents le cœur de sa victime, recrachant l’organe encore palpitant au pied d’une pierre levée, elle aurait fini par dévorer une jambe alors que, galvanisés par ce spectacle proprement hallucinant, des bretons mettaient tout en œuvre pour empêcher l’intervention des forces de l’ordre, parvenant même à favoriser la fuite de Mlle Quéginer. "
Ronan Kermene’ch, ethnologue à la faculté de Rennes tente d’expliquer ce terrible événement dans une interview à Ouest-France :
O-F : Ronan Kermene’ch, vous êtes ethnologue et travaillez sur l’histoire des Vierges Rouges glazik de Landudal. Comment interprétez-vous le terrible incident survenu à Roscoff ?
R-K : D’abord, je dois dire que je n’ai été qu’à demi surpris de cette chose horrible qui s‘est passée hier. Je vais vous dire pourquoi. Le territoire du Pays Glazik est une zone profondément rurale qui a su conserver de très anciennes traditions dont certaines remontent à la nuit des temps et font encore de nos jours l’objet de rituels secrets transmis de génération en génération. Ainsi le rituel de passage des jeunes filles Glazik aux métabolisme particulier et dont la puberté ne survient qu’à l’âge de 28 ans, sans jamais prévenir. Ce rituel complexe était basé autrefois sur un acte de cannibalisme spectaculaire, puisqu’il s’agissait pour les jeunes vierges de Briec-de-l’Odet d’assommer un vieillard devenu inutile avant de le dévorer aux pieds d’antiques calvaires, face à une fontaine ou parfois, dans le cas des natives de Langolen, immergées jusqu’à la taille dans les eaux sombres et glacées des abers. Eclaboussées par le sang de leurs victimes, elles tachaient leurs corsages de rouge et étaient donc surnommées les Vierges Rouges - ce qui n’a rien à voir avec la politique[rires] comme l’affirme Gérard le Survivec de Quimperlé - dans les Cahiers du Quimperlois - qui prétend que plusieurs filles de Langolen auraient été déportées au bagne de Tahiti et y auraient rencointré Louise Michel, prenant même part à l'insurrection canaque de 1878!
O-F : Mais cette coutume n’avait pourtant survécu que sous une forme atténuée…
R-K : Symbolique, purement symbolique, puisque c’est un mannequin en peau de vache bourré d’abats de volaille qui remplace dorénavant le corps supplicié du vieillard…
O-F : Alors, pourquoi cette folie ?
R-K : Eh bien, parce que la jeune Quéginer est issue d’une famille particulière. Ce sont des druides landerneuren ar baratz kermen rineu’ch, ce qui signifie qu’ils sont les gardiens de la tradition et ne peuvent sublimer les pratiques de passage sous la forme d'un artefact. Les vierges landerneuren ar baratz kermen rineu’ch sont éduquées patiemment par leurs mères de manière à tuer et à dépecer leurs proies dans le respect des traditions celtes pré-chrétiennes. Les autorités tolèrent cela depuis des siècles parce que ces cérémonies sanglantes se déroulent dans la plus grande clandestinité sous des pierres levées perdues au milieu d'impénêtrables forêts. Ces gens là ne sont pas n'importe qui, ils bénéficient de complicités et de complaisances politiques depuis des siècles...Il faut comprendre, c'est l'âme même de la Bretagne secrète qu'il veulent conserver envers et contre toute logique républicaine. Pourquoi croyez-vous que ces jeunes femmes constituent le fer de lance du Breiz-Atao depuis presque un siècle ? Lorsque l’organisation indépendantiste a été dévoyée par une poignée de fascistes à la solde du collaborateur Mordrelle, elles n’ont pas hésité à les mettre à mort de façon horrible en les faisant bouillir dans du lait ribaud additionné de beurre, parce que le beurre, dans ce cas, provoque des souffrances indicibles lorsqu'il est fondu. Une vierge Quéginer a même, en août 1944, cousu un bec de pinson sur le visage d’un milicien après lui avoir retiré la chair des lèvres avec un emporte-pièce à patisserie. Ce qui est arrivé hier certes un accident, mais pas une surprise pour les gens du coin.
O-F : Mais alors, comment expliquez-vous le passage à l'acte de Delphine Quéginer?
R-K : Si elle est passée à l'acte, c'est parcequ'il lui est apparu qu'elle se trouvait dans une situation qui posait clairement la question morale et historique de la survie dans un monde presque révolu - le sien - contre un autre - dérélictoire lui aussi mais encore puissant et surtout légal et pas obligé de recourir à des subterfuges pour continuer à exister. Le scout de France représente pour elle le commencement de la fin, la raclure indélébile au fond du bidet et le bidon de lait raclé sans fin par un débile, à savoir l’évangélisation criminelle de la Bretagne et l'adoption de syncrétismes visant à brouiller la signification symbolique du religieux en substituant aux vieilles idoles païennes des saints imaginaires qui, comme chacun le sait, traversent les martyrologes comme de grosses sardines méridionales. L'église catholique en Bretagne, c’est le désenchantement progressif d'un monde aux traditions et aux croyances si fortes qu'elles ont survécu par le travers d'une foi démente et d'inombrables orgies de beurre salé. Jetez un œil derrière les enclos paroissiaux du pays léonard, vous verrez que derrière les représentations habituelles des saints et martyrs, on trouve d'étranges créatures se livrant à des exploits érotiques inouïs tels que le barattage à cru d'innocentes dévotes mises à nu par des villageois ivres de cidre! Vous avez déjà vu un scout de France se livrer à des exploits érotiques inouïs? Et puis il y a la question du balbynisme...
O-F: Justement, on parle de liens assez forts entre le leader historique, Pierre Fiala et la jeune cannibale…
R-K : C'est malheureusement vrai. Pierre Fiala et ses camarades sont arrivés dans la région de Langolen il y a dix ans, officiellement pour se livrer à la chasse au Bernez Drot, une sorte de gros coléoptère local de la taille d’un jeune chien et qui ne se nourrit que de déchets alimentaires laissés par les randonneurs à la fin du mois d'août. Ensuite, il hiberne jusqu'aux prochains congés. C'est en raison d'une abondance de ce genre d'insectes que les balbyniens ont construit une ville étonante, la Nouvelle Bobigny, en pays Glazik. Vous connaissez l'aversion de ce genre de libertaires pour le christianisme : ils ne pouvaient que faire front commun avec les landerneuren ar baratz kermen rineu’ch.
O-F : On parle aussi de la fascination de militants du Breiz-Atao pour la musique hawaïenne et l’amour libre.
R-K : En effet. Les balbyniens ne sont pas arrivés les mains vides en pays Glazik. C’est avec de longues chemises hawaiiennes et munis de prothèses dentaires micronésiennes munies de dents de squales chamarées qu’ils ont tenté de séduire les filles du coin. Avec succès comme d’habitude puisqu’ils ont su exploiter de manière habile les absences répétées des naifs gaillards glaziks qui passent le plus clair de leur temps à poursuivre les bancs de morues au large de terre neuve. Si vous vous baladez dans les rues de Langolen, vous remarquerez que les jeunes femmes nourrissent les conversations autour du lavoir de références mythiques à la calvitie et commandent en cachette des enregistrements rares d'Anita O'Day avec le Hot Club d'Honolulu chez Boulinier alors qu’elles n’ont, pour la plupart, jamais mis un pied sur le Boulevard Saint Michel !
O-F : C’est terrible…
R-K : Terrible, en effet…de même vous trouverez dans chaque chaumière Glazik les fameux pick-up originellement importés en masse de Cronstadt par le comité des fêtes de Bobigny. Ces machines sont diaboliques et portent l’art de la danse hawaïenne jusqu’au plus haut degré de compulsion. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des femmes de marins, séduites jusqu’à l’os par des caciques congestionnés et chauves immatriculés dans le 93, se gaver de hannetons et danser comme des folles dans des cafés sur des airs de yukulélé puis, à bout, mourir d’accidents vasculaires sévères avant même que les prétendants balbyniens n’aient pu les soumettre enfin avec leurs puissantes dents de requins.
O-F : Ronan Kermene’ch, encore une question : Pourquoi ce détail horrible, je veux parler du cœur du scout de France arraché, puis mordu par la jeune Quéginer ?
R-K : C’est simple. Les aztèques faisaient la même chose sauf qu’il n’avaient pas de calvaires, mais des pyramides du haut desquelles ils jetaient avec beaucoup d’habileté des tas de cœurs saignants…L’image du calvaire est renvoyée à sa propre vanité. Que vaut la passion de Jésus face à la souffrance authentique et palpitante d’un fils de famille en bermuda brutalement démembré au son des bombardes et des cornemuses ?
O-F : Merci.






jeudi, septembre 15, 2005

Bernard Thibaut se lache!


Bernard Thibaut, dirigeant national du syndicat CGT se serait vanté dans un grand restaurant parisien d’avoir évité une déstabilisation du gouvernement Raffarin en juin 2003 lors du conflit sur les retraites. Le secrétaire de la grande centrale ouvrière, attablé avec plusieurs de ses amis dont l’étudiante-mannequin Marie de Villepin, et l’écrivain génial Frédéric Beigbeder – tous deux marxistes de circonstance - aurait hurlé au visage de sa voisine de table: petite ingrate, tu serais à la soupe populaire si je n’avais sauvé le gouvernement bourgeois de ton père ! Il aurait alors vivement pris à partie plusieurs clients qui tentaient d’entraîner la fille du Premier ministre hors de luxueuse salle du restaurant Le Pré Catelan, en blessant un assez gravement à l’œil avec sa fourchette.

Bernard Thibaut avait été remercié dans les colonnes du journal Le Monde par François Fillon pour ne pas avoir déstabilisé le gouvernement en juin 2003 alors que des millions de grévistes avaient en vain sommé les dirigeants confédéraux d’appeler à la grève générale. Le dirigeant avait même fait intervenir un service d’ordre composé en partie de militants d’extrême droite contre les manifestants Place de la Concorde, le 10 juin 2003. Parvenant à désorganiser le vaste mouvement social commencé en mars par les enseignants en organisant de manière habile une succession de temps forts destinés en réalité à briser la mobilisation, Bernard Thibaut devait engager la vieille CGT dans la voie d’un réformisme à l’estomac solide qui le conduirait tout droit au monde feutré des toques étoilées.

mardi, septembre 06, 2005

L'interview donnée par Pierre Fiala en 2004 au Figaro enfin rééditée!


Ci dessous, la version non-censurée de l'interview introuvable donnnée par Pierre Fiala au journal Le Figaro en aout 2004. Ci contre une très belle aquarelle de Karl von Dreger représentant le leader balbynien dans une brasserie de la Nation à la fin d'une manifestation de juin 2003.

EVE RUGGIERI – Pierre, nous sommes assis tous le deux devant ta petite baraque, au cœur du Bobigny historique, pas celui de la bourgeoisie mais du petit prolétariat éclairé issu de la révolution de 48, de la commune de 70, et, plus récemment, de milliers de flics au chômage venus se réconcilier avec les damnés de la terre. Plusieurs Conservateurs de la BnF, curieux, ont même décidé de s'installer en face d'une cité habitée par des magasiniers mis à pied par la direction de la Très Grande Bibliothèque! Et c'est dans cette petite tanière odorante et mystérieuse que tu vis, manges, bois, écris, et…

PIERRE FIALA – … fais l'amour avec des femmes…Mais parlons des balbyniens, ces grands inconnus! Tous se sont établis ici dans cette mosaïque de petits jardins séparés par un réseau d'égouts à ciel ouvert datant, je crois, du Président Pompidou et constitue en soi un véritable écosystème préservé des contraintes de l'urbanisme. L'ouvrier, ici, comme le flic, le vigile au repos, le garde mobile démobilisé ont un autre point de vue sur la vie familiale.

EVE RUGGIERI – Mais pourquoi ? Parce qu'il arrive souvent que ce ne soient pas les hommes qui éduquent les femmes en matière de sexualité, comme c'est souvent le cas dans la classe bourgeoise, mais les femmes qui instruisent leurs maris ? J'ai vu tout à l'heure une femme toucher le sexe d'un inconnu dans la rue, puis s'éloigner comme si de rien n'était…

PIERRE FIALA - Ce problème n'est pas abordé dans les journaux. Je pense que si l'on décrit dans un journal la vie familiale des ouvriers, il faut pénétrer la psychologie sexuelle des ouvriers de l'époque actuelle. Bien sûr, c'est un problème extrêmement complexe, difficile à aborder. Plus tard, cette situation changera, mais actuellement, il est plus facile à une journaliste comme toi d'évoquer des problèmes contemporains que de pénétrer la psychologie sexuelle de l'ouvrier où, plus difficile, du policier au chômage dans un écosystème unique au monde comme celui de Bobigny. C'est pourquoi il y a si peu d'articles de ce genre dans la presse.

EVE RUGGIERI – Eh bien venons-y…

PIERRE FIALA – Je vais répondre à ta question Eve, mais j'ai le pressentiment que si je le fais, je veux dire, si tout le monde peut apprendre ce genre de choses dans ton journal bourgeois à grand tirage, que des catastrophes terribles nous attendent, nous balbyniens, car la société corrompue par la pourriture que l'église déverse tranquillement sur elle depuis des siècles a mal compris le sens du mot "amour libre". C'est l'amour libre qui a considérablement augmenté la natalité chez les communistes. Quand on a mobilisé les communistes balbyniens pendant la guerre en Afghanistan, il a fallu que le comité d'usine, stalinien mais pas fou, prenne en charge près de 2000 enfants, orphelins socialistes issus de rapports non-bourgeois et les place sous la responsabilité des anarchistes qui refusaient de venir en aide à l'armée soviétique derrière Georges Marchais. Si cette guerre nous a légué un grand nombre d'invalides, revenus à Bobigny le cœur en berne, l'amour libre, qui se généralise ici nous menace de difficultés encore plus grandes. Et je dois avouer que dans ce domaine, nous, libertaires qui avons craché sur le mariage républicain n'avons rien fait pour que la masse ouvrière, assoiffée de sexe, de mode hawaïenne et d'insectes, totalement incontrôlable face à une photo de Louise Labé ou une grosse mouche obèse du Tchad, blessée et tombée du ciel en pleine migration, comprenne bien ce problème. C'est pour ça que tu a pu surprendre tout à l'heure une balbynienne en pleine action. Je reconnais sincèrement que si on nous pose la question de la compulsion ouvrière, nous ne sommes pas en mesure d'y répondre.

EVE RUGGIERI – Tu poses, dans l'introduction de ton bouquin, et nous devons y porter attention, le problème du prolétariat féminin confronté à la voracité légendaire des hommes balbyniens, mais aussi à la délicate question de la cuisine des insectes.

PIERRE FIALA - C'est particulièrement important pour les femmes insatisfaites qui ont une famille non issue de l'amour libre : chez elles, l'influence religieuse, productrice de tristesse domestique, prédomine encore sur toute chose, et elles rechignent à cuisiner autre chose que des nouilles, à préparer autre chose à leurs gosses que des prêts à rouler Danerole. Tu vois, je pense qu'il faut que les anarchistes militent en compagnie d'autres marxistes sincères dans cette couche de la population; il faut remplacer l'Eglise par autre chose ! Quelque chose qui rende à toutes ces femmes magnifiques leur merveilleux instinct, cet instinct qui fait porter la main sur l'insecte et pas seulement sur le sexe d'un inconnu. Mais nous n'avons rien d'autre ! Si nous considérons, ne serait-ce que Bobigny-Centre, bastion de la Tête de Veau sauce Gribiche, eh bien il est rare que de la viande de guêpe géante du Cameroun, par exemple, y circule. Pourtant, c'est délicieux un bon cuissot de Guêpe demi-sel arrosé de lait de Mite fermenté. On y organise parfois des réunions officielles sur les bienfaits du régime insectivore pour les mômes. C'est peut-être parce que nous sommes trop fatigués par le sexe que nous organisons ces réunions à la va-vite. Pourtant, il faut bien que nous trouvions un moyen pour détourner les gens de l'Eglise et pour créer des centres culturels où non seulement le dimanche, mais aussi tous les soirs, le mari puisse venir se délasser autour d'un plat de punaises pommes à l'huile avec sa femme. Alors, ils n'iront plus à l'église et arrêteront de bouffer des trucs de curés. Certaines personnes se distraient déjà en allant au jardin public pour attraper des papillons et les manger à la croque au sel. C'est un début.

EVE RUGGIERI – Tu écris que certains ouvriers qui n'ont jamais vécu à Bobigny et ne mangent jamais d'insectes en commun sont très peu liés à leur famille et considèrent que leur femme doit tout faire, tandis qu'ils vont ailleurs. C'est la même chose le dimanche. Et voilà d'où viennent les scènes de ménage.

PIERRE FIALA- La femme hurle que le mari la quitte même les jours de fête et qu'elle est obligée de rester à la maison avec les enfants. On remarque ici un désir des femmes de se libérer. Elles reprochent souvent à leur mari le fait que les femmes balbyniennes mettent leurs enfants à la crèche ou au jardin d'enfants et que ces dernières ont plus de liberté pour boire des apéros avec les copines ou pratiquer l'amour libre avec des chauves en écoutant de la musique hawaïenne sur des pick-up fabriqués à Cronstadt. Il existe chez ces femmes d'Herblay dont tu parles un grand désir de liberté totalement incompris par des maris aliénés par le patriarcat propre à ceux adorent la viande de bœuf et les parties de cartes. On ne parle nulle part du problème de la famille, du mariage, de l'amour libre, de la polyphonie puissante du chant hawaïen et des rapports entre l'homme, la femme et l'insecte. Ce sont cependant ces problèmes qui intéressent les ouvriers et les ouvrières qui entendent parler de l'essor du prolétariat balbynien. Quand nous organisons des réunions en banlieue sur ce thème, les ouvriers le savent et viennent en foule. Je sais que certains disent que les anarchistes n'ont pas et ne peuvent pas avoir un point de vue défini sur ce sujet. Je connais des agitateurs habitant La Garenne-Bezon et qui répondent aux questions en se fondant sur les thèses du camarade Ramseyer, mais ces thèses ne résolvent pas par exemple le problème de la responsabilité du père et de la mère vis- à-vis des enfants privés d'alimentation à base de diptères vitaminés, ce qui fait que les enfants ont tendance à être livrés à eux-mêmes et à manger encore plus dans des macdos impérialistes. C'est actuellement à un des problèmes les plus important. Ces difficultés ne sont pas mises en lumière, et les ouvriers et les ouvrières qui soulèvent ces questions ne reçoivent pas de réponse, et donc, ils cherchent pas à manger de bonnes mouches.

EVE RUGGIERI – Tu me reprochais il y a une demi-heure mon appartenance à un journal qui, historiquement, a toujours soutenu le point de vue de la bourgeoisie et, surtout, le fait qu'en tant que journaliste, je ne m'occupe pas beaucoup de mes enfants. Mais la majorité des communistes les plus actifs qui écrivent dans les journaux de leur bord sont tellement occupés qu'ils ne connaissent même pas leur famille.

PIERRE FIALA – C'est vrai. Ils s'en vont quand tout le monde dort et reviennent quand tout le monde est déjà couché; or, si l'on ne connaît pas sa propre famille, il est difficile de connaître celle des autres. Et là où je veux en venir, c'est à cette situation paradoxale du journaliste qui rend compte de ce qu'il ne connaît pas faute de temps passé à la maison. Je conseille donc à tous les journalistes l'amour libre. Moi, qui ne suis pas journaliste, je passe tellement de temps à pédaler en chemise à fleur sur mon vélo Mercier et à vider des verres de Leffe que c'est seulement dans des discussions dans les magasins de la BnF ou en traînant dans les locaux syndicaux de Tolbiac que je parviens à apprendre quelque chose. Par exemple quand une collègue vient dire que son mari l'a frappée, etc. Et je le répète, on n'en parle pas dans la presse anarchiste et même trotskiste je crois parce que nous, les anarchistes, nous ne connaissons ni notre famille ni celle des autres. En fait, on ne met pas du tout l'accent sur le problème de la famille et des enfants. Moi-même, j'ai oublié ma famille, mes frères et sœurs, leurs noms, et c'est seulement quand on me pose des questions que de vagues souvenirs me reviennent en mémoire et que je commence à lier les choses entre elles entre deux demis sans faux col et une escalope taillée dans le filet du
frelon de Tasmanie. Si on examine la vie des anarchistes non insectivores qui ne connaissent ni l'amour libre, ni le ukulélé, on s'aperçoit qu'en fait la femme reste à la maison, tandis que son mari vidange les brasseries à la mode. Les femmes des anarchistes sont très peu intégrées à l'activité sociale. Chez les ouvriers balbyniens, en revanche, on considère souvent que lorsque le mari se rend à un festin de mouches, la femme doit l'accompagner et manger tout son saoul, rire et chanter, faire aussi l'amour avec des chauves qu'elle ne connaît pas ou apprendre à se servir de la télécommande du poste sans les doigts…

EVE RUGGIERI – Sans les doigts ?

PIERRE FIALA – Exactement, sans les doigts. Elles peuvent suivre des formations spéciales prises en charge par la mairie de Bobigny. Cela consiste à obliger des insectes, préalablement astreints à la pratique du culturisme et drogués, à appuyer sur les touches de la télécommande en se jetant dessus comme quand, par exemple,toi tu voudrais défoncer une porte en chêne massif d'un coup d'épaule . Et ces petites bêtes sportives et gonflées à bloc par les amphétamines y parviennent même s'il faut bien reconnaître que parfois, c'est du suicide.

EVE RUGGIERI – Incroyable. Mais ce courant libertaire que tu nommes dans ton livre le balbynisme, issu de la révolution culturelle menée pendant un demi-siècle de vie ouvrière insectivore a donc entraîné une dislocation de la famille traditionnelle. Beaucoup d'ouvriers balbyniens mènent aujourd'hui une vie dissipée et tirent un bon parti de la liberté de pouvoir se séparer de leurs femmes. Patrick Ramseyer dit que le « tout insecte » a porté un coup trop fort à la famille. Quant à l'égalité des hommes et des femmes devant l'insecte, je ne te suivrai pas tout à fait, car même parmi les ouvriers responsables, nombreux sont ceux qui ont abandonné leur femme pour un trecking gastronomique en Zambie et la promesse d'un festin d'insectes formidables, la laissant parfois avec cinq enfants.

PIERRE FIALA – Je reconnais que cela se produit très souvent. On ne s'en cache pas. On quitte aussi une femme anarchiste, même chez les gens haut placés dans ce qu'il faut quand même appeler, - et cela me fait très mal – l'appareil libertaire. On ne soulève pas le problème en assemblée, mais on en parle dans les cercles dirigeants et on a, en définitive, l'impression que quelque chose va éclater.

EVE RUGGIERI –Tu es en profonde opposition avec P.Ramseyer, pourquoi ?

PIERRE FIALA – Patrick dénonce depuis des années le fait que la jeune garde balbynienne ait montré le chemin le plus audacieux au prolétariat de Bobigny : celui des insectes géants retrouvés. Déjà, il s'était opposé, au sein de l'appareil libertaire, aux conférences données par le cryptozoologue Bernard Heuvelmans dans les années 60 au Sport Palast de Bobigny. Ramseyer préconisait la succion de becs de mésange et autres oiseaux, mais essentiellement de mésange charbonnière…

EVE RUGGIERI – Pardonne moi de t'interrompre, mais tu as bien dit, succion de becs de mésange charbonnière?

PIERRE FIALA – Absolument. Patrick a une maison de campagne à Bris sur Marne avec une immense volière et, à côté, un atelier secret. C'est là qu'il enferme des milliers d'oiseaux de toutes sortes, les sélectionne en fonction des caractéristiques de leurs becs, puis les tenaille salement et leur arrache le bec sans même les anesthésier.

EVE RUGGIERI – C'est ignoble !

PIERRE FIALA – Pour toi et moi, oui, mais pour lui, c'est le seul moyen d'obtenir de bons becs propres à être consommés frais, avec toutes leurs qualités gustatives et nutritionnelles. Mais il ne se débarrasse pas des oiseaux mutilés. Il les garde et les oblige à chanter ainsi dépourvus des airs brésiliens a capella du Quarteto em Cy.

EVE RUGGIERI – Mais comment chanter sans bec pour un oiseau…

PIERRE FIALA – C'est simple, il les opère avec un simple nécessaire de couture et, maître de l'ourlet de chair, il leur fabrique une petite bouche. Tu n'as jamais entendu le tube de l'été 71 ? Un de ses mainates transformés avait enregistré un disque de standards avec Jimmy Raney au Royal Roost à New-York, Le premier morceau de la deuxième face est le seul quine soit pas en anglais, un truc comme, si mes souvenirs sont bons, J'ai une petite bouche et je sais m'en servir . C'est dingue, non ? Mais on s'éloigne un peu Eve…

EVE RUGGIERI – c'est dégeulasse, c'est complètement dingue…

PIERRE FIALA – Ouais, enfin, ce qui est dégueulasse surtout, c'est qu'il a essayé de substituer à nos projets de rééducation ouvrière par les méthodes insectivores ses saloperies de becs à sucer en disant, les insectes, c'est bien, mais seulement ceux qu'on peut trouver dans le parc de la Courneuve, que les autres, les gros, ceux qui renferment le plus de vitamines, il fallait les chasser souvent à l étranger et que, outre le fait que c'était dangereux, cela éloignait les maris de leurs femmes restées au foyer. C'est pour cela qu'il a réussi à influencer les éléments les plus droitiers des balbyniens. Ce sont ces camarades, complètement désorientés, qui ne voient même plus passer une mouche. Voilà pourquoi aujourd'hui nous développons l'amour libre et la mode hawaïenne, pour les femmes, presque uniquement, à la vérité, pour les femmes qui doivent pouvoir trouver une compensation à l'absence des camarades chasseurs de gros gibier africain ou sud-américain.

EVE RUGGIERI – C'est pour cela que tu ne quitte presque jamais Bobigny et que tu portes une chemise hawaïenne ?

PIERRE FIALA – On peut voir ça comme ça. Et c'est aussi parce que je ne quitte jamais Bobigny et réconforte les balbyniennes que j'ai fait installer cette batterie de DCA sur le toit de ma baraque pour intercepter les énormes mouches de Zambie qui traversent le ciel de Bobigny en Automne. Tu sais, c'est extraordinaire la saison de la chasse à Bobigny, les arbres changent de couleur dans le Parc, le ciel prend des teintes rougeâtres et le soleil jaune doré, en se couchant, tombe sur Bobigny comme une grande cacahuète pleine d'urine dans une soucoupe de bistrot. Tu connais David Caspar Friedrich, Zwei Männer in Betrachtung des Mondes ?

EVE RUGGIERI – Non.

PIERRE FIALA – Faut sortir…

EVE RUGGIERI – Pierre, je voudrai terminer cette interview passionnante en te posant la question qui tue : Pourquoi ne bois-tu que de la Leffe ?

PIERRE FIALA – Je vais te dire un truc que je n'ai jamais révélé à personne, et donc, pour toi et tes lecteurs bourgeois, pour toute la ploutocratie parisienne, ce sera un scoop. Voilà ce qu'écrivait, en 1863, le docteur Sirnon, cité par Karl Marx dans Le Capital, « On ne craindra pas d'affirmer que les cas dans lesquels l'insuffisance de nourriture produit des maladies ou les aggrave sont, pour ainsi dire, innombrables... Au point de vue sanitaire, d'autres circonstances décisives viennent s'ajouter ici... On doit se rappeler que toute réduction sur la nourriture n'est supportée qu'à contrecœur, et qu'en général la diète forcée ne vient qu'à la suite de bien d'autres privations antérieures, et particulièrement de la bière belge de qualité servie à la pression. Longtemps avant que le manque d'aliments pèse dans la balance hygiénique, longtemps avant que le physiologiste songe à compter les doses d'azote et de carbone entre lesquelles oscillent la vie et la mort par inanition, tout confort matériel, toute joie due à la consommation d'alcool aura déjà disparu du foyer domestique. Le vêtement et le chauffage auront été réduits bien plus encore que l'alimentation. Plus de protection suffisante contre les rigueurs de la température, plus de chemise hawaïenne pour séduire les ouvrières délaissées; rétrécissement du local habité à un degré tel que cela engendre des maladies ou les aggrave; à peine une trace de meubles ou d'ustensiles de ménage. Tels sont les dangers auxquels la pauvreté est exposée inévitablement, quand cette pauvreté implique manque de bière ou d'apéritifs. Si tous ces maux réunis pèsent terriblement sur la vie, la simple privation de Leffe, par exemple, est par elle-même effroyable...» Voilà pourquoi j'ai toujours tenu, contre vents et marées, mon verre de Leffe comme un étendard face à l'adversité. En 1972, à la Coupole à Montparnasse, j'ai tué un scout de France qui avait renversé mon demi en terrasse sans le faire exprès. Je l'ai aveuglé d'un jet
précis de cacahuètes puis étranglé lentement en lui hurlant l'internationale dans l'oreille. C'est dur, mais sinon, comment conserver une fierté libertaire l'estomac vide, le foie sain ? Là où je veux en venir, ça n'est pas au fait que je suis favorable à l'extermination des scouts et de la vermine du seizième en général, mais à celui que la Leffe n'est pas une bière comme les autres; fabriquée par des moines belges vivant dans une abbaye cernée par les bêtes sauvages, hantée par d'horribles cris venus du passé préhistorique, elle permet d'accéder à un plan de conscience supérieur, un monde de fureur et de luxure de gloire et, paradoxalement, d'inconscience, qui rend toute chose possible en ce bas monde pour un type déterminé comme moi. Il suffit d'avoir de bonnes jambes et un vélo Mercier. Après une dizaine de Leffe, la fortune te sourit comme Giene Tierney, souriait à Dana Andrews dans Laura. Voilà pourquoi tu ne me verras jamais sans Leffe dans les moments importants de la vie. J'ai ici une cuve à bière de 1500 hectolitres creusée à main d'homme et sans outils dans le granit par des admirateurs balbyniens sous ma baraque. Alors, tout peut arriver, je ne sucerai jamais de glace à la vanille.

EVE RUGGIERI – Merci Pierre pour ce magnifique entretien.